Il y a quelques jours avait lieu le vernissage de l’esposition Open Sea, au musée d’Art Contemporain de Lyon. A cette occasion, la jeune artiste Lina Adam (Singapour) a proposé une performance, créée il y a un an : “Experience the Culinary History of Singapore Performance Art”.
Quelques mots sur l’exposition Open Sea. Il s’agit d’une exposition consacrée à la scène artistique contemporaine de l’Asie du Sud-Est. À partir de Singapour, véritable place tournante économique et culturelle de l’archipel, Open Sea se déploie de la Malaisie au Vietnam, de l’Indonésie aux Philippines. Une exposition extrêmement vivifiante.
Le jour du vernissage, la jeune Lina Adam, proposait de revisiter l’histoire de la performance à Singapour, mais des performances très particulières car toutes liées à la nourriture.
Dix plats ont été servis au public, tous liés avec des performances qui ont fait date. Une partie de la salle servait de salle à manger avec une table dressée pour 6 convives,
une autre partie, derrière des paravents, servait d’office où Lina préparait les plats.
Le public était invité à s’assoir, goûter les plats, les faire goûter à l’assistance, céder sa place pour que d’autres convives prennent à leur tour place à table. Au mur, défilait des photos des performances avec un résumé explicatif.
Lina, à chaque plat, complétait l’explication
Tout a commencé par la cérémonie du thé
à laquelle Lina s’est elle-même pliée
La référence était celle de Koh Nguang How : Une cérémonie du Thé, “performée en 1995 à l’Ecole Allemande de Singapour, l’artiste ayant utilisé ce rituel comme une offrande en prière et à la mémoire des disparus. Dans ce contexte spécifique, la cérémonie agit comme une thérapie, pour les participants qui venaient de commmémorer la mort tragique des pôètes qui avaient été brulés au cours de l’holocauste”.
S’ensuivit les pousses de haricots mungo.
Référence : Lest’s chat (Causons), performée par Amanda Heng et présentée pour la première fois en 1996. L’artiste invitait le public à s’asseoir et participer à la préparation des pousses de haricots tout en bavardant autour d’une tasse de thé, renouant ainsi avec les gestes simples d’une vie à la campagne, loin du progrès.
Troisième plat : le tofu
Référence : performance de Josef Ng, Frère Canne, en 1993. L’artiste s’insurge contre le harcèlement systématique de la police envers la communauté homosexuelle. Durant la performance, il frappe avec une canne des morceaux de tofu censés représentés chaque homme poursuivi. Puis, tournant le dos au public, il arrachait quelques poils pubiens qui tombait sur les morceaux de tofu.
Cette performance provoqua un tel scandale que le gouvernemant de Singapour coupa toute aide financière à l’art de la performance pendant 10 ans et que l’artiste fut interdit de performer à vie.
Quatrième plat : Vous pouvez commander et manger de délicieux popiah entre autres choses, par Matthew Ngui, présentée pour la première fois lors de la Documenta X en 1997.
avec une problématique liée à la communication : l’artiste communiquait avec le public par l’intermédiaire d’un écran et de tuyaux et prenait des commandes, ensuite, il préparait le plat de popiah.
Cinquième plat : les condiments
Dans l’assiette : ketchup, mayonnaise et sauce huître. Référence à Lee Wen et la série Presque sans titre et plus particulièrement Stagger Lee, présentée pour la première fois en 2008. L’oeuvre est basée sur une légende du folklore américain dans laquelle Stagger Lee représente l’incarnation du mal. L’artiste participe à une séance de spiritisme, s’asperge de différents condiments et se trempe dans un bassin d’eau pour se purifier.
Sixième plat : A bowl of rice, présentée en 2008 par Zai Kunning.
Pendant 3 semaines, l’artiste a investi un ancien lieu de prière en faisant chaque jour des dessins avec du riz. Tout au long de la performance, il revient sur les dessins, observe le public.
Septième plat : Les mots passant en nous, autour du poisson, présentée par Zai Kunning et Zai Tang en 2011.
la performance Zai Tang créée de la musique expérimentale pendant que Zai Kunning, écaille, enlève les arêtes, coupe le poisson. Utilisant un couteau très cher et parfaitement aiguisé, l’artiste considère qu’il doit traiter le poisson avec le plus grand respect.
Huitième plat : Coeur de bananier, coeur d’un arbre, coeur d’un peuple par Tang Da Wu, 1999
Toutes les parties du bananier sont explorées et le public est invité à créer un napperon avec les feuilles de bananier pendant qu’on leur sert un plat à base de coeur de bananier. Le bananier servant souvent lors d’offrandes, cela revet une importance particulière.
Neuvième plat : Le projet d’amitié tapioca, 1994, la performance sans doute la plus connue de Tang Da Wu liée à un ingrédient culinaire.
Le projet était centré sur le tapioca, nourriture de base pendant l’occupation japonaise en Malaisie et Singapour. Des oeuvres d’art furent fabriquées avec le tapioca puis mangées et partagées en signe de réconciliation.
Dixième plat : le café et Conversation de café
En 1993, Vincent Leow, au cours de la performance, commença par boire un café en public. Puis il urina dans la tasse vide, la leva comme on lève un verre et bu son urine, l’idée étant que l’artiste est à la fois producteur et consommateur d’art.
Un moment de découvertes et de partages avec quelques belles surprises sur le plan culinaire, les popiah par exemple.