Le fruité noir, vous connaissez? visite du Moulin Cornille

J’avais découvert le fruité noir il y a quelques années lors d’une manifestation culinaire. Un délice. J’ai eu l’occasion de visiter (merci S. et à toute son équipe) le Moulin Cornille, datant du XVIIès, l’un des plus grands moulins de France, qui perpétue la traditionnelle fabrication du fruité noir

En effet, jusqu’aux années 70, le fruité noir était la seule huile produite. On disait simplement “huile d’olive”. On ne pouvait presser des olives fraîches uniquement avec les meules et la presse de l’époque. Il y a trop d’eau dans les olives et la pâte obtenue était trop liquide. D’où le procédé du fruité noir qui permet à l’eau de s’évaporer et aux olives de “maturer”. Il y a le moulin “historique” en plein centre de Maussane-les-Alpilles  et un nouveau moulin beaucoup fonctionnel. 

Parlons d’abord du moulin historique, d’abord moulin privé construit au XVIIè s pour le Seigneur de Manville, devenu coopérative en 1924, actuellement en grande partie transformé en boutique et lieu d’animation.

Les olives apportées au moulin par les producteurs seront mélangées pour constituer ce qu’on appelle le “lot commun” (dans le nouveau moulin, un producteur peut bénéficier du système de “lot à façon” à condition d’apporter au minimum 800kg à la fois),  

puis passées sur un tamis 

et  acheminées à l’étage par un système de  tapis roulants. 

Elles étaient ensuite stockées dans des “greniers”, sorte de box fermé par des planches.

C’est là que les olives perdent leur eau. Il se produit une fermentation  anaérobie (atmosphère sans air) du fait de la quantité d’olives engrangées (une dizaine de tonnes).  Cette maturation qui dure 5 à 6 jours,  permet aussi d’enlever l’amertume et faire évoluer les arômes vers du cacao, de la tapenade, des olives confites. 

Le moulin avant 1914?

Dans les années 70/80, la modernisation des moulins a permis de ne plus passer par l’étape de fermentation. L’appellation huile d’olive reste attaché à ce nouveau procédé et on parle alors de fruité noir pour l’ancien procédé. On peut aussi trouver les vocables goût à l’ancienne ou olives maturées. L’ancien procédé est bien sûr moins rentable que le nouveau d’où un prix de vente plus élevé. Mais le goût est inimitable : plus de douceur, de rondeur, moins d’amertume, de piquant que dans un “fruité vert”… Le fruité noir a failli disparaître dans les années 90 mais revient à la mode à l’heure actuelle, très prisé des amateurs et professionnels.  

Le Moulin Cornille a su rester rester fidèle à la tradition. Il est le plus gros producteur français de ce nectar aux saveurs d’autrefois, avec plus de 90 % de sa production en huile d’olive « fruité noir ». Les huiles d’olive vierges « fruité noir » sont disponibles en Appellation d’Origine Contrôlée/Protégée (A.O.C./A.O.P.) « Vallée des Baux de Provence » et en cuvée traditionnelle (Huile d’olive de France). Le moulin Cornille produit également une huile d’olive Vierge Extra A.O.C./A.O.P. « Vallée des Baux de Provence » en « fruité vert » avec des arômes d’artichaut cru, d’herbe coupée, une belle complexité liée aux 4 variétés d’olives du terroir et un léger piquant. Ces huiles d’olive sont issues d’olives triturées fraîches, sans stockage volontaire* 

L’appellation AOP, a été  obtenue en 1997, c’est la 2ème après Nyons. Le cahier des charges est précis : 

  • l’huile doit être faite à partir des 5 variétés d’olives ancestrales : la salonenque, l’aglandau (ou berruguette), la verdale, la grossane, la picholine, 

  • la typicité du sol est imposée, en l’occurrence le calcaire,
  • il doit y avoir un système d’irrigation,
  • la récolte peut-être manuelle ou mécanisée,
  • les traitements sont réglementés et
  • la date de récolte est à respecter (sauf en cas de problème sanitaire ou de grande sécheresse). 

Les arbres doivent être espacés d’au moins 8 m car le système racinaire de l’olivier s’étend à l’horizontale et des arbres trop rapprochés (par comparaison, en Espagne, les arbres ont très peu d’espaces entre eux) seraient gênés dans leur développement. 

L’irrigation peut être gravitaire, ce qui est mieux pour la nappe phréatique. Le sol des vergers d’oliviers est strié de “rigoles” qui permet d’amener l’eau à partir de canaux. 

J’ai appris l’existence d’un certain Monsieur A. Craponne qui au milieu du XVIès obtient d’Henri II ( Comte de Provence, roi de France, de Sicile et de Jérusalem ..) l’autorisation de dériver l’eau de la Durance de la Roque d’Anthéron jusqu’à Salon de “Crau“, canal prolongé plus tard vers le sud des Alpilles…

Il a ainsi consacré une partie de sa fortune à organiser le système d’irrigation, transformant une des régions les plus sèches de France en l’une des régions les plus irriguées.

On croise de part et d’autre des canaux plus ou moins larges, surveillés par des “gardes canaux”.

Les anciens ont fait venir l’eau dans chacune des parcelles et chaque producteur, qui paie le passage de l’eau,  a un temps d’arrosage, défini par un calendrier précis. Il existe aussi une autre forme d’irrigation, par goutte à goutte au pied des arbres, plus facile mais moins intéressant.

En cas d’extrême sécheresse, il est bien sûr aussi possible d’arroser. 

Revenons à la production du fruité noir. Les olives sont donc mises en silo. La température est régulièrement vérifiée. Les olives sont ensuite lavées, puis pressées, et on obtient une pâte grossière qui sera malaxée puis acheminée vers une centrifugeuse.  On obtient alors d’un côté le grignon pâteux (eau et parties solides)  et de l’autre côté l’huile qui sera acheminée vers des cuves en inox. Au bout de 3/4 mois, l’huile est filtrée afin de la stabiliser puis mise en bouteille.

L’ancien moulin a gardé ses meules en granit, 

sa presse hydraulique

ou étaient disposés les scourtins, auparavant en fibre de coco, aujourd’hui en nylon.  

ainsi que la centrifugeuse

 

On change d’ambiance quand on se rend au nouveau moulin, distant de quelques kilomètres.

Les machines sont neuves, tout a été pensé pour faciliter le travail : effeuilleuse, broyeur à marteaux qui remplace les meules d’autrefois, malaxeur, décanteur/centrifugeuse verticale afin d’affiner la propreté de l’huile. Puis c’est la mise en cuve inox pendant 3 à 4 mois et filtrage. 

Afin de gérer les déchets (le grignon), un extracteur de noyaux permet de séparer d’un côté le jus qui sera épandu dans les champs et vergers et de l’autre les noyaux qui seront séchés pour faire des granules de noyaux qui servira de combustibles pour chauffer l’eau des moulins, nettoyer etc..

A partir cela, le moulin propose des dégustations d’huile et d’olives. Savez vous que les olives noires sont piquées et mises en bocaux à sec avec du sel, ce qui leur donne une couleur violet foncé  alors que les olives noires que l’on trouve communément doivent leur couleur charbon à l’ajout de gluconate de fer. 

On trouve aussi des olives cassées. Ce sont les olives les plus grosses que l’on récolte à la main  dès la fin août, qui passent entre des rouleaux pour être concassées. Elles sont ensuite mises à tremper dans de l’eau régulièrement changée afin d’enlever l’amertume. Dans la dernière eau, on ajoute du sel et du fenouil et on laisse macérer toute une nuit.  Quelques chiffres : 1 personne récolte 60 kg d’olives destinées à être cassées par jour alors que pour l’huile, le rendement est de 150 à 200 kg par jour et par personne. La récolte pour l’huile se faisant grâce à des peignes mécaniques et de grands filets étendus au pied des arbres. 

Parmi les animations, il y a aussi des démonstrations culinaires animées par le chef Dominique Valadier

qui lorsque j’y étais nous a concocté plusieurs recettes à base de farine de pois chiches, recettes authentiques et délicieuses. J’y reviendrai. 

Sur la route des vacances, n’hésitez pas à vous arrêter au Moulin Cornille. Vous y rencontrerez des gens passionnés et passionnants qui vous parleront avec émotion et enthousiasme de leur métier. Et puis une occasion de faire vos emplettes en ayant l’assurance d’avoir de bons et beaux produits. 

*en italique : copier-coller du communiqué

Adresse :
Moulin Cornille 
rue Charloun Rieu 
13520 Maussane les Alpilles  
04 90 54 32 37  
ouvert l’été de 9h30 à 19h, dimanche de 14h30 à 19h

Laisser un commentaire