Ernest Pignon Ernest et Georges Rousse en prison

Lors des récentes Journées du patrimoine, j’ai pu me libérer (je suis en général sur le qui-vive pour assurer ça et là, des visites guidées) pour aller visiter la prison Saint-Paul à Lyon qui ouvrait ses portes au public avant transformation. Désaffectée depuis 2009, la prison a reçu pendant quelques semaines la visite d’artistes  qui ont laissé leurs empreintes dans les lieux. Parmi eux, deux artistes dont j’aime beaucoup le travail :  Ernest Pignon-Ernest et Georges Rousse.

J’ai déjà eu l’occasion de rencontrer ces deux artistes lors d’interventions in-situ, voire de commenter leurs oeuvres à l’occasion d’expositions et c’est toujours un grand moment d’émotion de découvrir leurs travaux toujours en lien avec un lieu, une histoire, l’architecture, la mémoire etc..

A Naples, j’ai traqué la trace d’Ernest-Pignon Ernest sur les murs souvent lépreux de la ville et qu’elle ne fut pas mon émotion, aux détours d’une rue de me retrouver face à cette femme. L’émotion est d’autant plus grande quand on se trouve face à la scène suivante : deux vieilles napolitaines ayant sorti des chaises papotent dans la rue à côté de leur congénère de papier.

A Lyon, Ernest Pignon Ernest était encore dans les murs de la prison en août.

Comme à son habitude, il a collé de grands dessins des fantômes qui hantent ces hauts murs,

comme cette litanie d’hommes nus, toujours le même, toujours autre, figés dans leurs verticalité comme les barreaux qui les entourent.

Ailleurs des combattants : Ahmed Cherchari, émigré à Lyon en 1953, combattant pour l’indépendance de l’Algérie, arrêté en 1959, incarcéré à la prison Saint-Paul, condamné à mort et guillotiné le 23 février 1960.

Marguerite Buffard-Flavien, incarnée en 1942 au camp de femmes de Monts, elle participe à une révolte. Transférée à Mérignac dont elle s’évade, elle rejoint la résistance FTP à Lyon. Dénoncée, elle est arrêtée par la milice. Par crainte de parler sous la torture, elle se défenestre du 3ème étage des locaux de la milice.

Berthie (ou Berthy) Albrecht, résistante, arrêtée à Lyon en 1942, évadée. Passe dans la clandestinité dans le groupe Combat. Arrêtée à nouveau le 31 mai 1943, incarcérée à la prison de Fresnes où elle se serait pendue le jour même.

Au fond du couloir, Jean Moulin, préfet et résistant. Dirige le Conseil National de la Résistance. Arrêté le 21 juin 1943. Conduit au siège de la Gestapo, torturé, il meurt le 8 juillet 1943.

Mais les traces du passé sont encore loin d’être effacées. Barreaux, meurtrières, filets anti-suicides, barbelés parsemés de “yoyos”, ces objets attachés à des ficelles que lançaient ou recevaient les détenus par dessus les murs…

A ces barbelés, sont encore prisonnières les bouteilles suspendues à des lambeaux de draps que se faisaient passer les détenus de cellule en cellule.

Tout rappelle  qu’il y a 3 ans, les lieux étaient encore habités d’hommes en mal de liberté. Les murs sont couverts de dessins de prisonniers, au point qu’il est difficile de distinguer le travail réalisé par les artistes de celui des détenus.

Plus loin, l’installation de Georges Rousse  attire le regard. Un cercle rouge, dessiné dans un volume formé de lattes de bois noires, suspendu dans le vide entre deux coursives. Comme à son habitude, le plasticien en a tiré un cliché, une épitaphe photographique pour le bâtiment.

Au centre du bâtiment, une autre oeuvre de Georges Rousse, fonctionnant comme souvent comme une anamorphose (image déformée qui se recompose à un point de vue préétabli et privilégié).

La plus célèbre anamorphose de l’histoire de la peinture étant celle d’Holbein le Jeune, Les ambassadeurs

Hans Holbein the Younger - The Ambassadors - Google Art Project.jpg

Il y a en bas de la toile l’anamorphose d’un crâne, qui est en fait une vanité.  On ne peut voir le crâne qu’en regardant le tableau avec une vue rasante.

Fichier:Skull-Ambassadors.jpg

Pour revenir à l’oeuvre de Georges Rousse, si on se déplace, l’oeuvre change et se déconstruit.

Ce jour là, il faisait un temps superbe…

3 Comments

  • septembre 25, 2012

    Valérie (Franche-Comté)

    Belle découverte
    Bonne fin de journée
    Valérie

  • septembre 26, 2012

    frederique

    article très intéressant merci

  • octobre 3, 2012

    Isabelle

    Bonjour!
    Je fais une visite à tous les blogueurs qui participent au salon et et quelle surprise en découvrant votre blog, vous êtes lyonnaise et nous partageons la même admiration pour Ernest Pignon Ernest. j’espère de tout coeur que nous aurons l’occasion de nous parler de vive voix .
    Merci pour cette visite , que j’ai loupé car étant en Arles ce weekend là .
    A bientôt
    Isabelle

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