Déjeuner-bavardage avec Jacotte Brazier, petite fille de la Mère Brazier chez le chef Eric Hubert

J’avais déjà croisé Jacotte Brazier, petite fille de la mythique Mère Brazier,  lors d’évènements culinaires mais j’ai eu l’occasion de passer un peu plus de temps en sa compagnie  lors des déjeuners-bavardages organisés par le Musée Gadagne dans le cadre de l’exposition Gourmandises, exposition que je commente régulièrement.

Le principe pour ses rencontres  : le chef Eric Hubert  (je reviendrai sur son parcours plus loin) propose un menu qui fait la part belle  à la cuisine lyonnaise mais revisite aussi un des célèbres plats du cultissime restaurant La Mère Brazier . Tout en  déjeunant, une vingtaine de participants écoutent Jacotte Brazier narrant l’histoire de son aïeule, Eugénie Brazier (1895 – 1977).

Une histoire haute en couleurs et riche en anecdotes : cette femme, issue du monde rural, n’ayant pas fréquenté l’école, chassée de son père à 19 ans car mère célibataire, engagée comme nourrice chez les Milliat, fabricants de pâte, montre assez vite des dispositions pour la cuisine.  Elle se formera auprès de la Mère Fillioux, très connue sur la place de Lyon  pour sa poularde demi-deuil, ses fonds d’artichaut au foie gras etc..

Une rencontre déterminante (et sentimentale) va la faire côtoyer  le milieu de la course automobile, elle sera d’ailleurs une des premières femmes à avoir son permis de conduire et restera fascinée  par les voitures. Son “amoureux”, de 35 ans son aîné, marié et père de famille, lui suggère de louer un “porte pot” rue Royale. C’est ainsi que le restaurant “La Mère Brazier” sera ouvert en avril 1921. Eugénie Brazier y sert les recettes, entre autres,  apprises pendant 3 ans auprès de la Mère Fillioux. En 1924, le restaurant est agrandi, à l’étage on installe des salons. Quelques années plus tard, elle ouvrira un deuxième établissement au Col de la Luère.

Avec la décentralisation du Grand Prix de Paris de l’automobile à Lyon, Eugénie Brazier devient de plus en plus célèbre. Le directeur du Waldorf Astoria ne lui proposera-t-il pas 150 000 $ pour diriger le restaurant de son hôtel new-yorkais?. Son restaurant lyonnais sert de “cantine” aux maires de Lyon (l’Hôtel de ville  est à deux pas).

Elle recevra deux étoiles en 1932 et sera la première femme à avoir trois étoiles en 1933 et ce  pour ses deux établissements. Il faudra attendre Alain Ducasse en 1998 pour que l’exploit soit renouvelé et Anne Sophie Pic en 2007 pour qu’une femme ait de nouveau trois étoiles.

Elle aura quelques soucis pendant la guerre : la ligne de démarcation n’était pas très loin, Eugénie Brazier avait coutume lorsqu’elle s’approvisionnait,  de prendre un peu plus de marchandise pour ses clients fidèles, ce qui lui valut 8 jours de prison.

Paul Bocuse arrivera à vélo depuis Collonges chez la Mère Brazier qui aura ses mots : “et bien, tu n’es pas fainéant, je t’engage”.

Après la guerre, Eugénie Brazier s’occupera plus particulièrement du restaurant du Col de la Luère, laissant celui de la rue Royale  à son fils. Au décès de ce dernier, en 1974, c’est Jacotte Brazier qui reprendra la direction de l’établissement jusqu’en 2004. Depuis 2008, c’est le chef étoilé et MOF (Meilleur Ouvrier de France) Mathieu Viannay qui dirige le restaurant.

Et maintenant,  quid de nôtre hôte, le discret chef Eric Hubert, qui nous accueille au sein du Café Gadagne où il officie depuis  la réouverture du musée en 2009.

Après sa formation (à 19 ans, il est apprenti au Ritz) et son passage dans  différentes maisons (il sera chef de partie chez Michel Rostang, travaillera au Lutétia avec Jacky Fréon, sera le chef de l’Ambassade de France à Bruxelles), Eric Hubert ouvre son propre restaurant semi-gastro à Lyon, à la fin des années 90. Il sera remarqué par le Gault Millau et le Michelin. Contraint de vendre son établissement en 2004, il occupe divers postes avant de regagner les cuisines du Musée des Beaux Arts de Lyon en mai 2008 puis, conjointement,  celles du Musée Historique de Lyon en octobre 2009.

Eric fait partie, depuis 1998,  de l’association des Toques Blanches Lyonnaises qui regroupe plus d’une centaine de chefs. J’en avais parlé lors d’un concert mémorable mêlant instruments de musique traditionnels et ustensiles de cuisine. Les Toques Blanches permettent à Eric de confronter son savoir avec d’autres, de partager des projets, de faire des voyages d’études. C’est une constante émulation. Eric d’ailleurs, n’exclut pas de se présenter à quelques concours.

Son credo : produits du marché, saisonnalité mais aussi un petit accent “cuisine lyonnaise” car il ne faut pas oublier que nous sommes au coeur du quartier touristique de Lyon.

Au menu ce jour-là : gratin de ravioles et cervelas pistaché, crème vinaigrée,

fricassée d’artichauts et de truffe, escalope de foie gras poêlée, clin d’oeil évident à la Mère Brazier, célèbre  pour ses fonds d’artichauts/foie gras,

dodeline, sauce aux écrevisses, gratin dauphinois et cardons au jus..

Vous avez encore quelques semaines pour aller voir cette exposition, prendre une douceur au café, croiser peut-être Jacotte Brazier dans les couloirs du musée et saluer le chef Eric Hubert et sa souriante  équipe.

Un petit clin d’oeil à Maxime (diplômé de ce qui est devenu l’Institut Paul Bocuse, rentré en France il y a un an après un séjour de 2 ans en Amérique du Sud) qui m’a aussi reçue chaleureusement.

7 Comments

  • Un agréable partage
    Je te souhaite un bon WE de Pâques
    Valérie.

  • avril 6, 2012

    Sandrine

    Merci pour ce partage trés intéressant

  • avril 6, 2012

    Jeanne

    Félicitations à cette dame si courageuse !!! Je te souhaite une belle soirée !!! Bises

  • avril 6, 2012

    Asmali

    beau partage..merci
    bon weekend de Pâques ma belle
    bisous

  • avril 6, 2012

    assia

    bravo pour cette courageuse dame et merci pour toi pour ce beau partage.
    Bonne soire

  • avril 7, 2012

    kekeli

    merci de partager avec nous ce reportage très intérressant !!

  • […] Elizabeth. An Omelette and a Glass of Wine. ‣ Jacotet, Dominque. “Déjeuner-Bavardage Avec Jacotte Brazier, Petite Fille de la Mère Brazier Chez le Chef Eric Hubert,” Cuisine Plurielle. ‣ Marguin, Christophe. “Praise of Eugénie […]

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